RWRP (Reverse Wound Reverse Polarity)

RWRP (Reverse Wound Reverse Polarity)

Pour faire suite à l’article sur la polarité des aimants, je vous propose de développer le principe RWRP et ses implications dans les associations de micros.

Vous pouvez vous interroger sur l’utilité, en tant que guitariste, de rentrer dans ce genre de considération techniques.
Certes, cela ne fera pas de vous un meilleur instrumentiste!

Pourtant, comprendre ce concept vous aidera à associer utilement différents micros et à faire des choix judicieux. Ceci étant, si vous êtes en train de lire cet article, c’est que vous avez un intérêt au moins minime pour l’aspect technique 🙂

Cette combinaison de micros découle du principe du « humbucker » dont le but est d’éliminer le bruit parasite que peut véhiculer un micro qui récupère non seulement le signal utile généré par la vibration des cordes, mais également des signaux parasites dus aux rayonnements électromagnétiques environnants. Au premier rang de ces derniers rayonnements, on trouve la « ronflette » (rayonnement de l’alimentation secteur 50Hz et de ses harmoniques).

Pour pouvoir obtenir cette association RWRP il faut disposer de deux micros. C’est le cas dans un micro humbucker qui contient en fait deux capteurs (double bobinage) câblés de telle façon que l’effet humbucker existe, c’est à dire reverse wound reverse polarity.

Textuellement Reverse Wound Reverse Polarity signifie bobinage inversé / polarité (magnétique) inversée.

Décomposons:

Bobinage inversé: chacune des deux bobines voit ses connexions électriques opposées l’une par rapport à l’autre dans le câblage (« hors phase »).

Polarité (magnétique) inversée: l’une des bobine est traversée par un champ magnétique avec le pôle sud « en haut », lorsque l’autre bobine est traversée par un champ magnétique avec le pôle nord « en haut ». (c.f. L’article sur la polarité magnétique pour cette notion).

Commençons par un bref rappel du principe du micro magnétique.

La vibration de la corde métallique à proximité du champ magnétique traversant la bobine (champ généré par un aimant), induit un variation de ce champ.
Le sens de variation du champ est directement lié au sens de déplacement de la corde (éloignement/rapprochement).

La variation du champ magnétique à l’intérieur de la bobine induit un courant électrique aux bornes de cette dernière. Le sens de ce courant dépend du sens de variation du champ magnétique. Ce courant est alternatif (ou plutôt périodique, à l’image de la vibration de la corde à l’origine de ce courant. Ceci est également une approximation).

Une animation démontrant ce principe peut-être trouvé sur le site du « National High Magnetic Field Laboratory »:

le principe du micro magnétique en animation (« National High Magnetic Field Laboratory »)

Revenons à l’association des micros RWRP: on considèrera pour ce qui suit, comme approximation pour la démonstration, que la vibration de la corde « vue » par chaque micro est quasi identique (ce qui n’est pas le cas dans la réalité).

Les champs de nos deux bobines étant inversés (souvenez vous, Reverse Polarity), les courants produits par la vibration d’une corde devant ces deux bobines sont de polarité (électrique) inversée. Si nous connectons ces deux bobines « en phase », les deux courants, de sens opposés, auront tendance à s’annuler, ce qui n’est pas une bonne nouvelle .
Mais rappelons nous: les bobines sont connectées en circuit en « opposition de phase », et les signaux produits par les deux bobines « s’additionnent », ou plutôt se combinent (par analogie avec les maths: moins par moins égal plus en quelques sorte!)

Pourquoi donc cette double inversion ?
Le champ perturbateur (« parasite ») résulte de l’addition de l’ensemble des perturbations environnantes. Ce champ est, à l’échelle de l’emplacement des micros d’une guitare, quasi identique vis à vis de chacun des micros (sauf à rapprocher la guitare d’une perturbation spécifique qui devient « directionnelle » au regard de chacun des micros).

Ce champ produit dans chacune des bobines un courant qui est donc quasi identique.
Or comme nos deux bobines sont câblées en opposition de phase, ces deux courants s’annulent.

Les signaux utiles provenant des deux bobines sont donc combinés (« ajoutés »), alors que les signaux parasites sont eux annulés. C’est tout l’intérêt de ce câblage RWRP..

La réjection du signal parasite fonctionne en quelque sorte sur le même principe qu’une liaison symétrique en audio.

Maintenant que le concept est exposé, précisons certains points:

– Par câblage hors phase il faut comprendre inversion des connections. Le sens de ces connections est conventionnel et pour de nombreux micros simple bobinages, on peut se contenter d’inverser les câbles de sorties. Par contre, dès lors que le micros possède un « châssis » métallique raccordé à la masse, il est nécessaire d’inverser le câblage de la sortie de la bobine ainsi que le l’extrémité de la bobine raccordée au châssis. A défaut, la masse du micro peut se retrouver connectée à un point chaud du câblage court-circuitant le micro et le rendant inopérant.

– La plupart des fabricants fournissent les sets RWRP avec les connections inversées et le cas échéant le bobinage réalisé en sens opposé. Cette inversion est donc prise en compte dans les choix des couleurs de câbles. En d’autres termes, on n’inverse pas les connections à l’installation, mais on connecte bien les câbles noirs à la masse et les blancs au points chauds (où toute autre convention de couleur donnée par le fabricant).

– Bien entendu, ceci est valable pour deux micros dont les champs magnétiques sont de polarité inverse: du coup, ceci ne rend pas possible toutes les associations, sauf à inverser le sens d’aimantation d’un des deux micros. Cette dernière manipulation requiert un champ magnétique puissant, et l’usage d’un gaussmètre est nécessaire pour vérifier le résultat.

– Ce principe est optimisé dans le cas d’un humbucker dont les deux bobines sont équilibrées (en nombre de tours de bobinage). Le principe fonctionnera mais dans une moindre mesure avec des bobine de taille/nombre de tours différents (car les signaux parasites générés sont d’autant moins similaires que les bobines diffèrent, l’annulation est donc imparfaite)

– En fait les deux micros ne captent pas exactement le même signal car ils ne sont pas confondus en un point unique devant les cordes. Le mélange des deux signaux donne donc un résultat variable selon la distance entre les deux micros (il existe en effet un filtrage « en peigne »). Selon la position des micros devant les cordes, selon la présence de « nœuds » ou de « ventres » et le degré de l’harmonique correspondante, des annulations de phase peuvent se produire. On peut également voir le phénomène sous un autre angle, sachant que la fondamentale et les premières harmoniques ont une longueur d’onde plus grande, la position des micros a une influence moins critique dans les fréquences graves, les signaux vus par ces micros étant relativement similaires. Donc lorsque ces micros sont connectés en opposition de phase, ces mêmes fréquences (basses) ont tendance à s’annuler. On est donc en présence d’un registre grave en retrait lors de la connexion hors phase. Pour les prolonger le sujet, Une démonstration interactive très intéressante peut-être consultée sur le site de Donald Tillman, en suivant ce lien.

effet de la position et de la polarité des micros sur la réponse en fréquence (Donald Tillman)